NOR : CSCL0924904S

   Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, le 28 septembre 2009, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Mmes Delphine BATHO, Gisèle BIÉMOURET, MM. Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Michel BOUCHERON, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Alain CACHEUX, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARRILLONCOUVREUR, MM. Bernard CAZENEUVE, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, M. Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, MM. Frédéric CUVILLIER, Pascal DEGUILHEM, Guy DELCOURT, François DELUGA, Bernard DEROSIER, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Louis DUMONT, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Mme Corinne ERHEL, MM. Laurent FABIUS, Albert FACON, Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, MM. Michel FRANÇAIX, Jean-Louis GAGNAIRE, Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Paul GIACOBBI, Jean-Patrick GILLE, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Gaëtan GORCE, Mme Pascale GOT, M. Marc GOUA, Mme Elisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, M. François HOLLANDE, Mme Monique IBORRA, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mme Marietta KARAMANLI, M. Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, M. Jérôme LAMBERT, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean LAUNAY, Jean-Yves LE DÉAUT, Mmes Annick LE LOCH, Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Bernard LESTERLIN, Michel LIEBGOTT, Albert LIKUVALU, François LONCLE, Jean MALLOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Mme Marie-Lou MARCEL, M. Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, M. Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Didier MIGAUD, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Alain NÉRI, Mmes Marie-Renée OGET, Françoise OLIVIER-COUPEAU, Dominique ORLIAC, George PAU-LANGEVIN, MM. Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Mme Martine PINVILLE, MM. Philippe PLISSON, François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Alain RODET, Marcel ROGEMONT, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Patrick ROY, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Christophe SIRUGUE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, André VALLINI, Michel VAUZELLE, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ, Philippe VUILQUE, Mme Martine BILLARD, MM. Yves COCHET, Noël MAMÈRE, François de RUGY, Mme Marie-Hélène AMIABLE, MM. François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Mme Marie-George BUFFET, MM. Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXES et Mme Huguette BELLO, députés.

   Le Conseil constitutionnel,
   Vu la Constitution ;
   Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
   Vu le code pénal ;
   Vu le code de procédure pénale, ensemble la décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 ;
   Vu le code de la propriété intellectuelle ;
   Vu la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, ensemble la décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 ;
   Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 14 octobre 2009 ;
   Vu les observations en réplique, enregistrées le 19 octobre 2009 ;
   Le rapporteur ayant été entendu ;

   1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet ; qu’ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 6, 7, 8 et 11 ;

   2. Considérant que la loi déférée tend à compléter la loi du 12 juin 2009 susvisée en tirant les conséquences de la décision du 10 juin 2009 susvisée ; qu’en particulier, elle détermine les conditions dans lesquelles peuvent être constatées, poursuivies et jugées certaines infractions prévues par le code de la propriété intellectuelle dans le cas où elles sont commises au moyen d’un service de communication au public en ligne ; qu’elle institue, en outre, une peine complémentaire de suspension de l’accès à un tel service tant pour les délits prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’ils sont commis au moyen de ce service, que pour des contraventions qui seront créées par décret ; qu’elle organise, enfin, les conditions du prononcé et de l’exécution de cette peine complémentaire ;

      Sur l’article 1er :

   3. Considérant que l’article 1er de la loi déférée insère dans le code de la propriété intellectuelle un article L. 331-21-1 ainsi rédigé :
   « Les membres de la commission de protection des droits, ainsi que ses agents habilités et assermentés devant l’autorité judiciaire mentionnés à l’article L. 331-21, peuvent constater les faits susceptibles de constituer des infractions prévues au présent titre lorsqu’elles sont punies de la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne mentionnée aux articles L. 335-7 et L. 335-7-1.
   « Ils peuvent en outre recueillir les observations des personnes concernées. Il est fait mention de ce droit dans la lettre de convocation.
   « Lorsque les personnes concernées demandent à être entendues, ils les convoquent et les entendent. Toute personne entendue a le droit de se faire assister d’un conseil de son choix.
   « Une copie du procès-verbal d’audition est remise à la personne concernée. »

   4. Considérant que, selon les requérants, les mots : « constater les faits susceptibles de constituer des infractions » méconnaissent l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ; qu’ils demandent en conséquence au Conseil constitutionnel, d’une part, de « préciser que l’adjectif “susceptible” doit conduire les autorités d’application de la loi à procéder en tout état de cause à un complément d’enquête afin que les seules constatations de la loi HADOPI ne permettent pas la condamnation des abonnés suspectés » et, d’autre part, d’imposer que toute procédure donne lieu à une audition au stade de la constitution du dossier fondant les poursuites ;

   5. Considérant, d’une part, que les dispositions critiquées n’étant ni obscures ni ambiguës, le grief tiré de la méconnaissance de l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi manque en fait ;

   6. Considérant, d’autre part, qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution d’une loi soumise à son examen ; qu’il ne lui appartient de procéder à l’interprétation du texte qui lui est déféré que dans la mesure où cette interprétation est nécessaire à l’appréciation de sa constitutionnalité ; qu’en l’espèce, les autorités judiciaires compétentes apprécieront au cas par cas, comme il leur appartient de le faire, si un supplément d’enquête ou d’instruction est nécessaire ou si les éléments de preuve rassemblés par les fonctionnaires et agents chargés de fonctions de police judiciaire suffisent à établir la culpabilité de la personne mise en cause et permettent, le cas échéant, la détermination de la peine ; qu’en conséquence, il n’y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de donner suite à la demande en interprétation dont il est saisi ;

   7. Considérant que, dès lors, l’article 1er de la loi n’est pas contraire à la Constitution ;

      Sur l’article 6 :

   8. Considérant que le I de l’article 6 modifie l’article 398-1 du code de procédure pénale ; qu’il ajoute à la liste des délits jugés par le tribunal correctionnel statuant à juge unique « les délits prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’ils sont commis au moyen d’un service de communication au public en ligne » ; que le II de l’article 6 insère dans le code de procédure pénale un article 495-6-1 ainsi rédigé :
   « Les délits prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’ils sont commis au moyen d’un service de communication au public en ligne, peuvent également faire l’objet de la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale prévue par la présente section. – Dans ce cas, la victime peut demander au président de statuer, par la même ordonnance se prononçant sur l’action publique, sur sa constitution de partie civile. L’ordonnance est alors notifiée à la partie civile et peut faire l’objet d’une opposition selon les modalités prévues par l’article 495-3 » ;

   9. Considérant que, selon les requérants, l’institution d’une procédure spécifique applicable aux délits de contrefaçon commis au moyen d’un service de communication au public en ligne et permettant qu’ils soient jugés par un seul juge ou selon la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale méconnaît le principe d’égalité devant la justice ; que, selon eux, cette « régression des garanties procédurales » est incompatible tant avec la complexité des litiges relatifs à la contrefaçon qu’avec la gravité des sanctions susceptibles d’être prononcées ; qu’en outre, la possibilité réservée aux victimes de demander au juge de se prononcer par ordonnance pénale sur la demande de dommages et intérêts de la partie civile priverait les personnes mises en cause de la possibilité de contester ces demandes ; que, dès lors, ces dispositions méconnaîtraient le droit à un procès équitable, le respect des droits de la défense et la présomption d’innocence ;

   10. Considérant que l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable ;

   11. Considérant, en premier lieu, qu’eu égard aux particularités des délits de contrefaçon commis au moyen d’un service de communication au public en ligne, il était loisible au législateur de soumettre la poursuite de ces infractions à des règles spécifiques ; qu’en prévoyant que ces délits seraient jugés par le tribunal correctionnel composé d’un seul magistrat du siège ou pourraient être poursuivis selon la procédure simplifiée, le législateur a entendu prendre en compte l’ampleur des contrefaçons commises au moyen de ces services de communication ; que les règles de procédure instituées par les dispositions critiquées ne créent pas de différence entre les personnes qui se livrent à de tels actes ;

   12. Considérant, en deuxième lieu, que, comme le Conseil constitutionnel l’a jugé aux considérants 78 à 82 de sa décision du 29 août 2002 susvisée, la procédure simplifiée prévue par les articles 495 à 495-6 du code de procédure pénale ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la justice ; que l’extension du champ d’application de cette procédure aux délits de contrefaçon commis au moyen d’un service de communication au public en ligne et la possibilité qu’une peine de suspension de l’accès à un tel service soit prononcée par ordonnance pénale ne méconnaissent pas davantage ce principe ;

   13. Considérant, en troisième lieu, qu’aucune règle ni aucun principe constitutionnel ne s’oppose à ce que le juge puisse également statuer, par ordonnance pénale, sur la demande de dommages et intérêts formée par la victime dès lors qu’il estime disposer des éléments suffisants lui permettant de statuer ;

   14. Considérant, toutefois, que l’article 34 de la Constitution réserve à la loi le soin de fixer les règles de procédure pénale ; que le deuxième alinéa de l’article 495-6-1 du code de procédure pénale prévoit que, dans le cadre de la procédure simplifiée, la victime pourra former une demande de dommages et intérêts et, le cas échéant, s’opposer à l’ordonnance pénale ; que, toutefois, cette disposition ne fixe pas les formes selon lesquelles cette demande peut être présentée ; qu’elle ne précise pas les effets de l’éventuelle opposition de la victime ; qu’elle ne garantit pas le droit du prévenu de limiter son opposition aux seules dispositions civiles de l’ordonnance pénale ou à ses seules dispositions pénales ; qu’ainsi le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; que, dès lors, le deuxième alinéa de l’article 495-6-1 du code de procédure pénale doit être déclaré contraire à la Constitution ;

   15. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, pour le surplus, l’article 6 n’est pas contraire à la Constitution ;

      Sur l’article 7 :

   16. Considérant que l’article 7 de la loi déférée rétablit dans le code de la propriété intellectuelle un article L. 335-7 ainsi rédigé :
   « Lorsque l’infraction est commise au moyen d’un service de communication au public en ligne, les personnes coupables des infractions prévues aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 peuvent en outre être condamnées à la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne pour une durée maximale d’un an, assortie de l’interdiction de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur un service de même nature auprès de tout opérateur.
   « Lorsque ce service est acheté selon des offres commerciales composites incluant d’autres types de services, tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s’appliquent pas à ces services.
   « La suspension de l’accès n’affecte pas, par elle-même, le versement du prix de l’abonnement au fournisseur du service. L’article L. 121-84 du code de la consommation n’est pas applicable au cours de la période de suspension.
   « Les frais d’une éventuelle résiliation de l’abonnement au cours de la période de suspension sont supportés par l’abonné.
   « Lorsque la décision est exécutoire, la peine complémentaire prévue au présent article est portée à la connaissance de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet, qui la notifie à la personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne afin qu’elle mette en oeuvre, dans un délai de quinze jours au plus à compter de la notification, la suspension à l’égard de l’abonné concerné.
   « Le fait, pour la personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne, de ne pas mettre en oeuvre la peine de suspension qui lui a été notifiée est puni d’une amende maximale de 5 000 €.
   « Le 3° de l’article 777 du code de procédure pénale n’est pas applicable à la peine complémentaire prévue par le présent article. »

   17. Considérant que, selon les requérants, la peine de suspension de l’accès à internet pour une durée d’un an est disproportionnée et ne doit notamment pas pouvoir être prononcée dans le cadre de la procédure simplifiée ; qu’ils font valoir que l’obligation de s’acquitter du prix de l’abonnement souscrit pendant la durée de la suspension constitue une sanction manifestement disproportionnée ; qu’ils soutiennent, en outre, que l’impossibilité technique, au moins temporaire, de faire respecter les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 335-7 du code de la propriété intellectuelle sur l’ensemble du territoire national confère à certains citoyens une forme d’immunité qui méconnaît le principe d’égalité et s’oppose à l’application immédiate de la loi ; qu’enfin, ils estiment qu’en confiant à une autorité administrative le pouvoir de faire exécuter les peines de suspension de l’accès à internet, le cinquième alinéa de l’article L. 335-7 méconnaît le principe de séparation des pouvoirs ;

   18. Considérant, en premier lieu, que l’article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... » ; qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution :
   « La loi fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ;

   19. Considérant que l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ;

   20. Considérant que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue ;

   21. Considérant que l’instauration d’une peine complémentaire destinée à réprimer les délits de contrefaçon commis au moyen d’un service de communication au public en ligne et consistant dans la suspension de l’accès à un tel service pour une durée maximale d’un an, assortie de l’interdiction de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur un service de même nature auprès de tout opérateur, ne méconnaît pas le principe de nécessité des peines ;

   22. Considérant, en deuxième lieu, que le troisième alinéa de l’article L. 335-7 du code de la propriété intellectuelle précise les conséquences de la peine de suspension de l’accès à internet sur les relations contractuelles entre le fournisseur d’accès et l’abonné ; que l’obligation imposée à ce dernier de s’acquitter du prix de l’abonnement, à défaut de résiliation, ne constitue ni une peine ni une sanction ayant le caractère d’une punition ; que cette disposition, qui trouve son fondement dans le fait que l’inexécution du contrat est imputable à l’abonné, ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle ;

   23. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions déférées sont applicables à l’ensemble du territoire de la République, à l’exception de la Polynésie française, collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution ; que, si, pour des raisons tenant aux caractéristiques des réseaux de communication dans certaines zones, l’impossibilité d’assurer le respect des prescriptions du deuxième alinéa de l’article L. 335-7 du code de la propriété intellectuelle peut faire temporairement obstacle à ce que la peine complémentaire de suspension de l’accès à internet soit effectivement exécutée, cette circonstance, qu’il appartiendra au juge de prendre en compte dans le prononcé de la peine, n’est pas, par elle-même, de nature à entraîner une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi ;

   24. Considérant, en quatrième lieu, qu’aucune règle ni aucun principe constitutionnel ne s’oppose à ce qu’une autorité administrative participe à la mise en oeuvre de l’exécution de la peine de suspension de l’accès à internet ;

   25. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 7 n’est pas contraire à la Constitution ;

      Sur l’article 8 :

   26. Considérant que l’article 8 insère dans le code de la propriété intellectuelle un article L. 335-7-1 ainsi rédigé :
   « Pour les contraventions de la cinquième classe prévues par le présent code, lorsque le règlement le prévoit, la peine complémentaire définie à l’article L. 335-7 peut être prononcée selon les mêmes modalités, en cas de négligence caractérisée, à l’encontre du titulaire de l’accès à un service de communication au public en ligne auquel la commission de protection des droits, en application de l’article L. 331-25, a préalablement adressé, par voie d’une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date de présentation, une recommandation l’invitant à mettre en oeuvre un moyen de sécurisation de son accès à internet.
   « La négligence caractérisée s’apprécie sur la base des faits commis au plus tard un an après la présentation de la recommandation mentionnée à l’alinéa précédent.
   « Dans ce cas, la durée maximale de la suspension est d’un mois.
   « Le fait pour la personne condamnée à la peine complémentaire prévue par le présent article de ne pas respecter l’interdiction de souscrire un autre contrat d’abonnement à un service de communication au public en ligne pendant la durée de la suspension est puni d’une amende d’un montant maximal de 3 750 €. » ;

   27. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions créent une nouvelle incrimination de négligence caractérisée sanctionnée par une peine de suspension de l’accès à internet ; que son imprécision méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines et instituerait une présomption de culpabilité contraire au principe de la présomption d’innocence ; qu’enfin cette peine revêtirait un caractère manifestement disproportionné ;

   28. Considérant, d’une part, que l’article 8 de la loi déférée n’instaure pas une contravention mais crée une nouvelle catégorie de peine complémentaire qui sera applicable à certaines contraventions de la cinquième classe ; que si, en vertu des dispositions critiquées, ces contraventions ne pourront être assorties de la peine complémentaire de suspension de l’accès à internet pour une durée maximale d’un mois qu’en cas de négligence caractérisée, il appartient au pouvoir réglementaire, dans l’exercice de la compétence qu’il tient de l’article 37 de la Constitution, et sous le contrôle des juridictions compétentes, d’en définir les éléments constitutifs ; qu’en outre, le caractère proportionné d’une peine s’apprécie au regard de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction qu’elle est destinée à réprimer ; que, dès lors, les griefs tirés de ce que la nouvelle incrimination méconnaîtrait les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ne peuvent qu’être rejetés ;

   29. Considérant, d’autre part, que, s’il appartient aux juridictions compétentes d’apprécier les situations de fait répondant à la « négligence caractérisée » mentionnée à l’article L. 335-7-1 du code de la propriété intellectuelle, cette notion, qui ne revêt pas un caractère équivoque, est suffisamment précise pour garantir contre le risque d’arbitraire ;

   30. Considérant que, dès lors, l’article 8 n’est pas contraire à la Constitution ;

      Sur l’article 11 :

   31. Considérant que l’article 11 modifie l’article 434-41 du code pénal ; qu’il punit d’une peine de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende « la violation, par le condamné, des obligations ou interdictions résultant des peines... d’interdiction de souscrire un nouveau contrat d’abonnement à un service de communication au public en ligne résultant de la peine complémentaire prévue en matière délictuelle par l’article L. 335-7 du code de la propriété intellectuelle » ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette disposition n’institue pas une peine manifestement disproportionnée ; que, dès lors, l’article 11 n’est pas contraire à la Constitution ;

   32. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution,

      Décide :

   Art. 1er. − Le second alinéa de l’article 495-6-1 du code de procédure pénale, tel qu’il résulte de l’article 6 de la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, est déclaré contraire à la Constitution.

   Art. 2. − Les articles 1er, 7, 8 et 11 de la même loi, ainsi que le surplus de son article 6, ne sont pas contraires à la Constitution.

   Art. 3. − La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

   Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 octobre 2009, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE et Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ.

Le président,
JEAN-LOUIS DEBRÉ






Partager cet article sur  Netvibes  Facebook  Viadeo  Twitter  Google Bookmarks  FriendFeed  Windows Live  MySpace  Scoopeo  Voter sur Wikio  Blogger  Technorati  Blogmarks

Pour toute demande d'information complémentaire ou pour signaler d'éventuelles anomalies sur cette page, vous pouvez écrire directement au responsable de publication en .